Isabelle Ferreras

[PhD,MSc] FNRS – LOUVAIN – ROYAL ACADEMY OF BELGIUM – HARVARD

Aujourd’hui, plus de 80% de l’emploi prend place dans les industries de services. S’attachant à comprendre la réalité du travail des services, mes recherches ont permis d’exposer les phénomènes de publicisation et de politisation de l’économique qui se jouent au coeur de l’entreprise et du travail contemporain. Elles m’ont ainsi amenée à formuler l’hypothèse que les entreprises seraient mieux comprises comme des entités politiques. Mes travaux constituent une manière alternative de concevoir la place de l’économique dans la société au sein des sciences sociales toujours largement dominées par la métaphore du désencastrement proposée par Polanyi (1944). Mes recherches portent sur trois enjeux complémentaires :

  • comprendre le rapport au travail dans les économies de services (rendre compte de l’expérience du travail à l’heure de la domination des services, définir le modèle des services et le contraster avec le modèle industriel, enquêtes comparatives auprès de 100.000 salariés de 9 pays Allemagne, Pays-Bas, Grande-Bretagne, Espagne, Belgique, Finlande, Etats-Unis, Argentine, Brésil, analyse de données Wage Indicator/échantillon auto-sélectionné, etc.),
  • éclairer le gouvernement de l’entreprise et les institutions de pilotage des rapports économiques dans les démocraties capitalistes mondialisées avec les outils de la sociologie politique et de la théorie politique (sortir la sociologie du travail de la métaphore du désencastrement, croiser relations industrielles et sociologie politique, étudier le rôle des organisations syndicales et l’histoire des (r)évolutions libérales démocratiques, offrir des scénarios d’innovation institutionnelle ancrés dans les résultats de recherche, etc.) en développant une « théorie politique de l’entreprise » qui saisit les enjeux des entreprises, mieux décrites en tant qu' »entités politiques », comme faisant face à une critique sur deux fonts : l’efficacité et la justice,
  • solidifier l’épistémologie des sciences sociales (expliciter les bases épistémologiques et les méthodes d’une démarche compréhensive et critique en sciences sociales ancrée dans l’intérêt de connaissance d’émancipation, tel que proposé par Habermas en 1971).

Mon travail d’enquête sur le travail dans les sociétés occidentales m’a permis de rendre compte de la réalité de l’entreprise, au-delà de la forme juridique (de la société anonyme, par exemple), comme ‘entité politique’, et de formuler une hypothèse autour de ce que j’appelle la ‘contradiction capitalisme/démocratie’. A long terme, mon agenda de recherches vise à contribuer à éclairer mais aussi, à faire face aux enjeux ici soulevés. La ‘contradiction capitalisme/démocratie’ cherche à rendre compte du fait que nous organisons nos échanges économiques selon le modèle capitaliste alors que nous nourrissons un idéal politique qui pose l’égalité et la participation de tous à la définition des normes du vivre ensemble.

La culture démocratique s’approfondissant, cette concomitance est en train de poser des problèmes de justice et d’efficacité de plus en plus aigus, que l’on comprend d’autant mieux qu’on les lit comme des symptômes ou des pathologies de cette contradiction. Pour sortir de cette contradiction et approfondir le caractère démocratique de la société occidentale, j’ai proposé de s’inspirer du rôle joué dans l’histoire occidentale par le bicamérisme pour permettre une sortie du despotisme politique et l’amorce de la démocratisation de la société. C’est ce que je vise par la proposition du ‘Bicamérisme économique’ pour  l’entreprise capitaliste.

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